La page secrète des Papoteuses pour Jeu, lettre et match ♥︎

1

Declan

Des tas de mecs en rêveraient : fêter le Nouvel An en boîte de nuit, à faire fondre sa carte bleue, mais surtout à chauffer le moindre bout de chair qui voudrait bien repartir avec nous.

Moi ?

Je m’emmerde. Le morceau joué par le D.J. me rappelle que j’approche des trente ans, et que ceux qui s’amusent sur la piste ont une décennie de moins que moi. Je me sens has been.

— Pourquoi on a décidé de passer le réveillon ici au fait ? hurlé-je par-dessus la musique.

— Parce que Brody a obtenu des entrées gratuites, me répond Cooper sur le même ton.

— Si c’est ça la célébrité, ça craint !

— Je vous entends, bande d’enfoirés, intervient le principal intéressé.

Cooper et moi échangeons un sourire complice. Taquiner le troisième homme de notre bande est une seconde passion.

— Je dois faire acte de présence jusqu’à 2 heures, nous indique Brody. Ensuite, on pourra se tirer de là.

Joueur professionnel de volley-ball, notre ami se voit régulièrement invité à des soirées à Los Angeles. C’est l’occasion pour notre bande de copains de se retrouver étant donné nos métiers respectifs plutôt prenants.

Brody parcourt le globe une bonne partie de l’année, pour ses divers matchs sous le drapeau américain, ou il vadrouille dans le pays quand il joue pour les USC Trojans de L.A..

Cooper, lui, est pompier à Lakewood, au sud de Tacoma. Et père d’une petite fille de cinq ans, Kelsie, qu’il élève seul. Autant dire que se dégager du temps est un brin compliqué quand il doit jongler avec ses différents rôles.

Quant à moi, je bosse dans la rénovation, sur Seattle. Mon rôle est d’accompagner mes clients de l’achat d’un bien jusqu’à la réception des clés. J’ai aussi en charge la gestion des travaux, effectués par des entreprises externes sélectionnées par mes soins. Même si je déteste mon patron, j’adore mon taf au point où j’y voue mes journées. Et parfois certains de mes week-ends quand nos équipes subissent des retards sur des chantiers.

Ce genre d’instant entre potes est donc rare depuis que nous avons quitté les bancs de l’université de Seattle.

— Cooper, c’est le moment pour nous de nous lâcher, lancé-je. Après ça, on sera trois vieux cons à picoler dans un bar.

— Y a pas moyen ! Demain je me lève tôt pour reprendre la route. Ma petiote m’attend pour manger avec ma voisine qui me la garde.

— Tu lui octroies ta sale tronche pour le Premier de l’an ?

— J’ai que ça à offrir à la vieille Beverly. Et mes muscles pour effectuer les travaux qu’elle ne peut plus faire à son âge.

La grand-mère s’occupe souvent de Kelsie, surtout quand Cooper est de garde. Et lui, il tond sa pelouse ou réalise des réparations dans la maison. C’est un échange de bons procédés qui permet à Cooper d’engager une aide scolaire pour sa fille, atteinte de surdité sévère depuis sa naissance.

— Pauvre Beverley, le charrié-je.

Pour toute réponse, Cooper me lève son majeur avant de boire une gorgée de sa bière.

Moi, je me rencogne contre le dossier de la banquette, et parcours la salle du regard. Certaines filles zieutent l’espace V.I.P. à la recherche d’un mâle à se mettre sous la dent.

Je n’ai aucun problème avec les coups d’un soir. J’ai un beau lot de conquêtes sans suite. Mais ramener une inconnue dans le loft de Brody ce soir ? Sans façon.

Oh, bien bourrés, quand mes potes et moi étions à la fac et en colocation, nous nous sommes chacun entendus en train de forniquer.

Mais virer une fille un lendemain de soirée ? C’est chiant. Quant à me retrouver dans un appartement, sans savoir où car j’aurais picolé ? Très peu pour moi.

Je passerais donc cette nuit en étoile de mer dans le California King d’ami, seul. J’ai hâte !

Machinalement, j’extirpe mon téléphone de ma poche, et commence à parcourir mes réseaux sociaux. Les stories de mes connaissances regorgent de soirées mondaines, de champagne qui coule à flots. Comme ici.

J’inspire soudain mal à l’aise. Je ne me sens pas à ma place dans cette vie débridée, dans ces faux-semblants partagés pour laisser croire aux autres que nous avons un quotidien extraordinaire.

La vérité est bien différente. On ne montre que ce qui nous arrange.

— Les gars, vous pourriez faire un effort ! nous engueule Brody.

Je relève le nez de mon smartphone pour jeter un œil dans sa direction. Il observe Cooper, l’air sévère. Je coule un regard vers notre ami et découvre qu’il textote lui aussi.

— T’écris à qui ? lui demandé-je en essayant de voir son écran.

— Ça ne te regarde pas ! peste mon ami, tandis qu’il verrouille son téléphone.

— Tu fréquentes quelqu’un et tu ne nous l’as pas dit ? le questionne Brody qui s’est rapproché.

Cooper nous étudie chacun notre tour avant de faire une grimace.

— J’ai commis l’erreur de donner mon numéro de téléphone à une fille après une intervention chez elle. Elle était mignonne et j’ai bêtement pensé que mon physique de rêve l’intéressait pour une nuit sans lendemain.

C’est plus fort que moi, j’éclate de rire. Le con !

— Laisse-nous deviner : elle attend plus ? suggère Brody en retenant difficilement son sourire.

— Allez vous faire foutre, crache Cooper.

Je ricane de plus belle.

— Marre toi, Declan. Mais de nous trois, tu es celui qui a les couilles les plus bleues, me tacle notre ami pompier, vexé.

— Qu’est-ce que tu en sais ? pesté-je.

— Brody enchaîne à chaque déplacement. Moi, j’ai eu ma sangsue, et toi… Toi tu ne t’es pas vanté depuis des semaines, ce qui me permet d’en tirer certaines conclusions. Et puis soyons honnêtes, si l’on avait quelqu’un dans notre vie, on n’aurait jamais accepté l’invitation du Prince au mini short pour passer le réveillon en sa compagnie, affirme-t-il en désignant du menton Brody.

— Nos shorts ne sont pas si petits, se plaint ce dernier.

— Ils suivent le ras de ton joli petit cul, l’ami, répliqué-je, hilare.

— En attendant, moi, je rencontre des femmes, et je n’ai pas de problème d’attachement.

Mon ami volleyeur nous lance son regard dédaigneux, ce qui nous fait marrer davantage. Enfin… à moitié, me concernant.

Je n’ai jamais eu de relation stable au contraire de ces deux énergumènes. Cooper a partagé sa vie avec Sophia pendant huit ans, puis elle l’a plaqué, à cause du handicap de leur fille. Brody, lui, a fréquenté trois ans avec une nana avant qu’ils mettent un terme à leur relation d’un commun accord à leur entrée à l’université.

Moi ? Je me suis tiré de chez moi à dix huit ans, et j’ai sué sang et eau pour m’en sortir. Je n’avais pas l’énergie de construire quoi que ce soit.

— Arrête de te la péter, Harrington, le charrie Cooper me ramenant au présent. Si on la jouait avec des règles équivalentes, je vous foutrais la pâtée à tous les deux.

— On parie ? lançons-nous, Brody et moi, d’une même voix.

Nous échangeons tous les trois un regard amusé, avant de prendre nos téléphones.

— Interdiction de miser sur du réchauffé, indique Cooper en pianotant cette première consigne.

— Tu plaisantes ? lâche notre ami volleyeur.

— Interdiction de coucher le premier soir, balancé-je pour l’emmerder.

— Tu veux dire qu’on est en course pour une histoire sérieuse ? m’interroge Cooper, l’air dubitatif.

Comme sa précédente relation lui vaut de s’occuper seul de sa fille, je comprends sa réticence face à l’idée.

De mon côté, j’en ai marre de passer mon temps libre à courir après des nanas différentes. Donc l’idée d’un plan cul régulier ne me déplaît pas, tout en me semblant à ma portée.

— Tout de suite, les grands mots. Tu ne veux pas qu’on soit fiancés à la fin de l’année tant qu’à faire ? répliqué-je faussement.

— Aucun de nous n’y arriverait, affirme Brody.

— Je confirme, renchérit Cooper.

— Quelle équipe de cœurs cassés ! plaisanté-je. Bon, j’ai donné ma règle, Harrington aussi. Il nous manque la tienne, Wildman.

Brody lève son index à mon attention, puis pose ses coudes sur ses genoux avant de se prendre la tête entre les mains. Dans cette position, il ressemble à une grenouille tant ses membres sont immenses.

— Alors ? relancé-je mon ami après plusieurs secondes.

— Pas si vite, Miller ! Je réfléchis.

Mister pompier et moi-même attendons sa sentence durant cinq longues minutes, pendant que le D.J. passe des titres que je ne reconnais toujours pas.

— L’un des sponsors de la fête est une application de rencontres, lâche finalement notre pote volleyeur. Nous avons donc l’obligation d’utiliser Matcheart pour trouver notre « âme sœur ».

Nous nous marrons, puis Cooper et moi échangeons un regard. Est-ce que ce plan foireux ressemble à une bonne idée ? Tout est dans la question.

Quoi qu’il en soit, qui dit une nouvelle année dit changement. Alors, sans réfléchir davantage, me laissant pousser par l’impulsion du moment, je tends la main en hurlant.

— Jeu !

— Set ! ajoute Brody sur le même ton, tout en posant sa paume sur la mienne.

Cooper secoue la tête, il grimace, puis il vient compléter la pyramide et il crie à son tour.

— Et match !

Notre sort est désormais scellé grâce à un pacte digne de nos soirées étudiantes. De mémoire, ce genre de pari entre amis n’a jamais rien donné de bon. Mais, après tout, il faut bien qu’une fois fasse exception. Espérons que je sois celui qui remporte la mise.


 

2

Zoey

Terminator.

Quand le mec avec qui j’ai ce quatrième rencard m’a proposé de voir son film préféré chez lui, je m’attendais davantage à visiter sa chambre qu’à regarder Schwarzy en robot humanoïde.

— C’est le moment le plus dramatique du scénario, affirme Danny, les yeux rivés sur l’écran.

Pourquoi ai-je une fois de plus accepté que ma sœur m’arrange ce rendez-vous avec lui ?

Étant absorbé par son home cinéma, je m’autorise une réponse sans effort. Peut-être remarquera-t-il ainsi que je m’ennuie à mourir ?

— Mmh.

Pas de réactions. Génial ! Combien de temps dure ce navet ?

Je déverrouille mon téléphone, pour vérifier. Une heure quarante-sept. Je vais m’endormir.

Par chance, de petites bulles rouges, dans lesquelles apparaissent des chiffres en perpétuelle augmentation, attirent mon attention.

Les notifications ne s’arrêtent jamais, raison pour laquelle j’acquiesce sans broncher quand mon coup d’un soir manqué me propose d’enchaîner les cinq films de la série.

Durant l’heure qui suit, j’ai le temps de traiter des mails, de contrôler le planning de Scarlett, ma sœur, dont je suis l’assistante, et de réserver ses billets pour un prochain déplacement.

Lorsque j’arrive à bout de ces tâches, un coup d’œil vers mon rencard m’indique qu’il est toujours plus intéressé par les muscles de Schwarzenegger que par ma présence. Me voilà donc à commencer la réorganisation des applications de mon téléphone.

C’est à ce moment-là que je tombe sur Matcheart.

Un sourire éclaire mon visage.

Cette appli de rencontres a été créée par la société où je travaille avec mon frère et ma sœur. Nous en avons tous les trois hérité au décès de notre père.

Il présidait l’une des plus grosses entreprises de création de logiciels du pays. Il a fait fortune grâce à son savoir-faire. Cela lui permettait de côtoyer le beau monde. Cela nous a valu bien des déboires aussi.

Désormais, Scarlett dirige Halls Development, et je l’assiste. Mon frangin, quant à lui, gère la branche consacrée aux applications mobiles, depuis nos locaux de la Nouvelle-Orléans.

Matcheart est la première qu’il a conçue de toutes pièces avec Georgia, sa femme. À l’époque du projet, elle était en lice pour obtenir le poste de responsable de projet. Et je l’ai envoyé là-bas pour qu’elle fasse ses preuves, car je me doutais que son caractère accrocherait bien avec celui de Bayron.

J’étais loin de m’imaginer qu’entre mon frère et elle, ça allait être le coup de foudre, autant d’un point de vue pro, que perso.

Après trois mois passés à La Nouvelle-Orléans, et quelques péripéties, Georgia a demandé sa mutation, mutation que nous avons validée mon frère et moi sans l’aval de ma sœur.

Cela m’a valu une sacrée remontée de bretelles, car Bayron et elle ne s’entendent pas. Je suis l’éponge au milieu, qui tente de désamorcer leurs conflits et finit par être la cible de leurs désaccords.

Qu’importe, aujourd’hui les tourtereaux semblent plus heureux que jamais et je suis fière d’avoir pu contribuer à leur rencontre. N’en déplaise à Scarlett qui réprouve le fait que Bayron côtoie une simple « employée » d’un rang social « inférieur » au nôtre. 

Notre aînée veut conserver coûte que coûte l’image guindée de notre famille. Et cela passe pour elle par nos relations. Raison pour laquelle elle se permet de m’organiser des rendez-vous galants avec des hommes haut placés, comme Danny, qui dirige sa propre entreprise dans le secteur du bâtiment.

Je me suis prêtée à l’exercice pendant des années, car je ne désespérais pas de trouver un homme bien qu’elle approuverait. Mais depuis que Bayron a rencontré Georgia, j’ai de plus en plus de mal à me conformer aux exigences de Scarlett. D’autant que je m’ennuie très souvent durant ces rencards arrangés.

Le son de la télé augmente d’un coup, et me sort de mes pensées. Je décide de prendre la tangente pendant quelques minutes, histoire d’utiliser mon téléphone avec plus de discrétion.

— Je vais au petit coin, tu ne m’en veux pas ? indiqué-je à Danny.

— Tu souhaites que je mette le film en pause ? me demande-t-il avec bienveillance.

— Non, ne t’embête pas. Je l’ai déjà vu celui-là, affirmé-je avant de me mordre la langue pour me punir de ce mensonge.

— Moi aussi, mais je ne me lasse pas des marathons Terminator.

Sans rire ? Mon bobard ne semble même pas l’alerter. Qu’importe.

Je lui offre un sourire aussi naturel que possible, puis m’enfuis en direction des toilettes.

Une fois enfermée dans la pièce, j’abaisse le battant et m’assieds dessus. Puis je déverrouille mon écran pour tomber sur l’application Matcheart.

L’interface de l’accueil apparaît devant mes yeux et je ne peux empêcher une certaine forme de satisfaction de m’envahir.

Le projet, lancé deux ans auparavant, est sur le marché depuis quelques mois. Et cette création originale cartonne ! De nombreux utilisateurs se plaisent à avoir des rendez-vous à thématiques, et dont les rouages ont été conçus pour soutenir des relations durables.

Et si elle était la solution ?

Un léger vertige me prend. Je me repasse en mémoire chacun des rencards ratés, organisés par ma sœur ou en utilisant une application réservée à l’élite qu’elle m’a préconisée. Oh, j’ai rencontré du beau monde, grâce à ça, mais je me suis surtout ennuyée à mourir.

Qu’est-ce que je risque en créant ce profil sur une application lambda ? Une crise de ma sœur ? J’en ai l’habitude. Et puis, elle n’a pas besoin de savoir.

À la fois fébrile et excitée, je clique sur la création d’un profil et rentre mes coordonnées. J’use d’une vieille adresse email à laquelle Scarlett n’a pas accès pour me couvrir. J’aimerais autant utiliser un peu l’application avant qu’elle me surprenne.

Nom : Halls

Prénom : Zoey

Âge : 28 ans

Signe astrologique : Cancer

Pseudo :…

J’ignore quoi mettre. Je n’ai jamais eu de surnom étant enfant, et j’ai trop peu d’amies pour en avoir un à l’âge adulte.

Pseudo : ZoeyH

Simple, mais efficace.

Je poursuis mon inscription et réponds avec franchise aux différentes questions posées.

Je prends plaisir à compléter mon profil, riant à de nombreuses reprises face à la liste d’interrogations farfelues imaginées par ma belle-sœur. Si Georgia a été épaulée par des professionnels du couple, je la soupçonne d’avoir ajouté quelques interrogations pour alléger le questionnaire, et la rendre plus ludique. Mais aussi pour démasquer les menteurs, suite à une expérience amoureuse douloureuse.

Ma page de présentation s’étoffe à la vitesse de la lumière. Pratique le tennis, adore le poulet colombo, a une étrange passion pour les vidéos de chien et déteste qu’on se moque d’elle.

Ma sœur péterait un plomb si elle lisait mes réponses. Mais aucun des hommes richissimes côtoyés jusqu’à aujourd’hui n’a fait battre mon cœur. Je me retrouve tout de même dans les toilettes pour créer un profil sur un site de rencontres, c’est dire !

— Zoey, tout va bien ? m’interpelle Danny derrière la porte.

Merde ! Depuis combien de temps je suis là ?

Je bondis de mon assise et me dépêche de tirer la chasse d’eau.

— Oui, désolée, j’ai dû téléphoner à ma sœur pour une urgence. Tu sais ce que c’est : les affaires ne s’arrêtent jamais.

Je prends la peine de me laver les mains pour la crédibilité, puis m’empresse d’ouvrir la porte. Je suis accueillie par le sourire carnassier de Danny. Je crains le pire.

— En parlant d’affaires, on en est au quatrième rencard toi et moi, et…

J’ai connu beaucoup mieux en matière de technique de drague, mais ce qui me désespère le plus, ce sont les codes. Les codes, les codes, les codes !

Ces fichues règles tacites qui régissent les relations amoureuses me filent la migraine. On boit un verre lors du premier rencard, et l’on échange un baiser sur le palier. On s’organise un repas pour le second qui se termine pareil, tandis que pour le troisième, on s’autorise à davantage évoquer nos passions avant et après une séance au cinéma.

Le quatrième rencard, lui, signe le passage à l’acte.

Que Danny me le rappelle fait peser une pression énorme sur mes épaules. Déjà, parce qu’il me laisse décisionnaire de notre « avenir », et qu’après nos différents rendez-vous, l’issue me semble fatale.

— Dois-je en conclure que nous sommes arrivés à la fin de Terminator 2 ? le charrié-je, en espérant masquer mon malaise.

— Eh bien… on ne peut rien te cacher, me confirme Danny l’air gêné. Alors, c’est non ?

Je manque d’air quand l’ombre de ma sœur plane soudain au-dessus de ma tête. Elle plaçait beaucoup d’espoir en Danny. Et il est vrai que c’est un homme charmant.

D’après nos précédents rendez-vous, j’avouerai qu’il embrasse plutôt pas mal, et que je ne me suis pas autant ennuyée que ça, hormis ce soir. Ce qui aurait pu pencher en sa faveur dans des circonstances différentes.

Seulement, ai-je envie de m’envoyer en l’air avec lui au risque qu’il m’appelle Arnold par mégarde ? Bien que mon physique fluet soit bien loin de celui arboré par l’acteur, je préfère m’épargner ce genre de situation gênante. Je ne désire rien de plus avec lui.

— Une autre fois, peut-être ? proposé-je, embarrassée.

Une moue triste apparaît sur le visage de Danny. Il me ferait presque de la peine.

— Zoey, ne te sens pas obligée de me promettre quoi que ce soit, me rassure-t-il. Je comprendrais si tu me disais que je ne suis pas ton homme idéal.

À laiiide !

Pourquoi ne m’annonce-t-il pas clairement ne pas être intéressé ? Pourquoi faut-il toujours que les hommes trouvent des subterfuges pour nous faire passer pour les méchantes ? Je veux dire : il n’espère tout de même pas conclure avec son obsession pour Terminator et en me parlant de nos petites affaires, si ?

J’aimerais lui poser ces questions, mais dire ces vérités qui dérangent influe sur mon image ensuite. Le monde est minuscule, et je ne souhaiterais pas avoir l’étiquette de rabat-joie collée sur le front. Même si jouer à la nana bien sous tout rapport pour satisfaire les faux-semblants me fatigue.

— Tu es un gars bien, Danny…

— Mais on ne se correspond pas, complète-t-il, l’air amusé.

Je respire en l’entendant prendre les devants. OK, peut-être qu’il n’est pas si dégonflé que ça, tout compte fait.

— J’ai été ravie de passer ces quelques moments avec toi, lui affirmé-je, sincère. Je te souhaite le meilleur pour la suite.

Sans donner le temps de réagir à Danny, je sors de la pièce. Je récupère mes affaires laissées près de l’entrée de son loft.

Lorsque je me retourne vers mon hôte, il est appuyé à l’angle du mur menant vers sa pièce de vie.

Danny s’approche de moi et m’offre une accolade amicale. 

— Prends soin de toi, Zoey Halls.

— Toi aussi, Danny Roover.

Quand je me détache de lui, nous échangeons alors un sourire entendu. Puis je m’en vais, sans aucun regret.